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  • Jihee Son, Coline Mangin

UN PARCOURS DÉPAYSÉ AVEC L'OEUVRE DE MONA YOUNG-EUN KIM

Les enseignes lumineuses s'emparent de l'espace d’exposition de la galerie AL/MA à Montpellier. Si vous avez déjà fait un voyage à l’étranger, vous vous êtes peut-être déjà interrogés sur la signification des panneaux visuels et informels que vous rencontrez dans un espace urbain, surtout lorsque leur langage ne vous est pas familier. C’est le point de départ de l’artiste coréenne, Mona Young-eun Kim, qui vit et travaille en France depuis qu’elle a quitté la Corée en 2013.


Cartel Mona Young-eun Kim
Mona Young-eun Kim, Vue de l'exposition « Doublage » à la galerie AL/MA à Montpellier - Photo Aloïs Aurelle

Diplômée des beaux-arts de Montpellier en 2018, l’artiste est connue pour avoir réalisé, dans le cadre du dispositif 1% artistique (2017-2018), une installation intitulée « Melon » pour la réhabilitation des halles Laissac à Montpellier. Une œuvre joyeuse et colorée inspirée de l’écorce du melon qui représente un espace accueillant du marché régional, souhaitant un moment convivial aux visiteurs.

Depuis cette installation aux halles Laissac, c’est sa première exposition monographique qui a eu lieu du 17 septembre au 30 octobre à la galerie AL/MA. Intéressée par les interventions artistiques dans l’espace public, cette fois, l’artiste s’inspire de sa propre expérience vécue en France. Son installation « Doublage » interroge l’interprétation des signes visuels en relation avec l’environnement et le langage.

À la galerie AL/MA, Mona Young-eun Kim a installé dix panneaux lumineux sans aucun texte où les visiteurs sont invités à interpréter leur signification, chacun à leur manière, et à se questionner sur le paysage du futur espace urbain. L’artiste réutilise l’objet bien connu du panneau lumineux pour repartir de zéro, effaçant sa signification unilatérale. À travers une application téléchargeable sur son smartphone ou par des tablettes disponibles sur place, le visiteur peut projeter des symboles du monde entier comme dans les rues de Chine, de Russie ou de Corée. Cette expérience se prolonge jusqu’à l’intérieur de l’exposition. L’application propose également un parcours de réalité augmentée en ville. Dans certains lieux, des bulles de paysages se superposent à la réalité. Il s’agit de photos panoramiques prises pendant le premier confinement à Montpellier. L’artiste ajoute à son œuvre une expérience virtuelle en réalité augmentée. Grâce à un casque de réalité virtuelle disponible sur place, le visiteur est plongé dans un quartier où tous les symboles ont été effacés, partageant alors la solitude d’un étranger arrivé en ville. Avec poésie, Mona Young-eun Kim interroge la question des repères et la compréhension des signes. L’artiste se démarque par un travail qui s’inscrit dans l’actualité : si elle évoque la barrière administrative et celle du langage, c’est pour imaginer un futur où chacun serait libre de s’approprier ces signes.


Cartel Mona Young-eun Kim
Mona Young-eun Kim, Vue de l'exposition « Doublage » à la galerie AL/MA à Montpellier - Photo Aloïs Aurelle

Dans cet entretien, pour ceux qui n’ont pas encore vu l’exposition ou les plus curieux qui ont été la voir, nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir l’artiste Mona Young-eun Kim et son travail artistique.



Comment êtes-vous arrivée en France et à Montpellier en particulier ?



Durant mon voyage dans plusieurs pays européens, en visitant les musées et les institutions culturelles, je me suis rendue compte que c’est de l’art que je voulais faire. Je n’étais pas sûre pourtant à ce moment-là si je pouvais réussir en faisant de l’art. Je pense qu’il y a de nombreux bons artistes dans d’autres pays en Europe. Mais, en France, il fait beau, on est proche de la nature et les cuisines sont délicieuses. Donc je me suis dit que même si je ne pouvais pas réussir dans l'art, au moins je pourrais m’amuser tous les jours ici.



Vivre et travailler en France, de quelle manière cela a-t-il influencé votre travail artistique ?



Etant donné que je suis en France qui est l’étranger pour moi, je m’intéresse naturellement à l’art spécifique au site et au travail avec le langage. De plus, quand je vivais en Corée du Sud, je n’aimais pas forcément la couleur bleue. Mais depuis que je vis à Montpellier où je vois tout le temps un ciel bleu très clair et dégagé, je me suis mise à aimer cette couleur, que j’utilise souvent dans mon travail.



Pouvez-vous nous présenter l’installation qui s’expose actuellement à la galerie AL/MA ?



Depuis 2017, je collecte les panneaux qui ne servent plus depuis plusieurs années. Puis, je gomme l’écriture et le signe qui y sont inscrits et les expose comme des panneaux vides. C’est une sorte de travail d'anticipation du paysage urbain du futur, puisque j’imagine qu'ils existeront de cette façon dans le monde du futur où toutes les informations sont numérisées. Pour partager cette idée plus concrètement, j’ai conçu une application qui s’appelle « Doublage », comme le titre de l’exposition, à travers laquelle on peut choisir plusieurs langues et projeter la réalité. Les visiteurs sont également invités à découvrir les œuvres qui apparaissent sur l’écran dans plusieurs endroits en ville. En ce sens, c’est un projet qui expérimente une nouvelle forme d’art, spécifique au site.


Cartel Mona Young-eun Kim
Mona Young-eun Kim, Vue de l'exposition « Doublage » à la galerie AL/MA à Montpellier - Photo Aloïs Aurelle.

Quels sont les messages que vous vouliez partager avec le public à travers cette installation participative ?



Je voulais que vous imaginiez les changements du paysage urbain qui seront possibles dans le futur. Ça pourrait être un paysage où il n’y a plus de langue (ou non). Or les visiteurs aujourd’hui sont invités à se trouver dans des rues remplies de langues qui ne sont pas leur langue maternelle. Lorsqu’on ne comprend pas, tout le langage devient une forme, et non pas une enseigne qui indique l’information. J’aimerais qu’à travers ces différentes expériences, vous vous imaginiez ailleurs et que vous imaginiez les autres qui sont ici, afin que ce soit une occasion de mieux comprendre les autres.



Pourquoi avez- vous commencé à utiliser la réalité augmentée dans votre travail ?



Je suis peut-être influencée par mes études de cinéma et de philosophie lorsque j’étais en Corée du Sud. Ce qui m'intéressait quand j'étudiais le cinéma, c’est que le spectateur se projette dans le film et expérimente la vie de quelqu’un d’autre. Car en faisant ça, je pense que notre connaissance pourrait s’élargir. Alors que je faisais du cinéma, j’utilisais la lentille fish-eye pour le point de vue à la première personne, à partir de 2018, les matériaux d'entrée de gamme commençaient à sortir. En même temps, j’ai eu l’opportunité de faire un programme de résidence à l’étranger. Comme il y avait souvent des déplacements et que c’était difficile de faire un travail volumineux, j’en ai profité en commençant à expérimenter les différentes techniques de la réalité augmentée durant la période de résidence.



Est-ce que votre nom d’artiste Mona est inspiré du film « Sans toit ni loi » d’Agnès Varda ?



Oui, après avoir décidé de partir en France, mon meilleur ami qui travaillait dans un cinéma, m’a recommandé fortement de venir regarder un film. J’y suis alors allée et au bout de dix minutes, je me suis mise à pleurer jusqu’à la fin du film car je m’identifiais à l’actrice principale. Je dévoile un peu l’histoire du film mais à la fin, elle meurt tragiquement, car elle refuse d’abandonner ce qu’on lui impose. Son destin semblait se superposer au mien, je persiste à aller en France, laissant derrière moi la vie en Corée du Sud. De plus, à cette période-là, je lisais Quand dire, c’est faire, l’ouvrage du philosophe John Langshaw Austin dans lequel il dit : « c’est facile de penser que le langage a moins d’importance que l’action mais en fait le langage lui-même peut être directement une action. » Je m’en suis inspirée en me disant que pour recommencer, il fallait changer de nom !


Cartel Mona Young-eun Kim
Mona Young-eun Kim, Vue de l'exposition « Doublage » à la galerie AL/MA à Montpellier - Photo Aloïs Aurelle

Pouvez-vous nous parler de vos prochaines réalisations ?



Je fais actuellement un programme de résidence à la Cité internationale des arts. Je suis en train de préparer l’exposition de ce travail de « Doublage » à Paris.


En savoir plus sur Mona Young-eun Kim :

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