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EXPOSER L'IDENTITÉ QUEER, ENTRETIEN AVEC GABRIEL DAYDÉ

  • Louna Four
  • 25 nov. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 nov. 2021

Gabriel Daydé est un artiste plasticien de 22 ans travaillant à Toulouse. Il pratique principalement la linogravure et puise ses inspirations dans le pop art, le punk ou des mouvements comme le queercore. Il a participé cet été à l'exposition Dur.e.s à Queer organisée par l'Association CONTRAST au Musée - FRAC les Abattoirs à Toulouse.

Cartel
Gabriel Daydé, La Bagarre, 2021, linogravure.

" J'ai tenté de rendre visible des moments de vie intime de personnes transgenres, inclure ces vécus dans l'ordinaire. "


Est-ce que tu peux me raconter ton parcours ?


Gabriel Daydé

J’ai toujours été intéressé par l’art. Je dessine depuis petit et j’ai choisi l’option arts plastiques au lycée. Avant j’étais plus porté sur la musique, j’en ai fait beaucoup adolescent et je continue encore de pratiquer aujourd’hui même si je me concentre plus sur ma pratique plastique. Il y a trois ans j’ai commencé un Diplôme national des métiers d'art et du design mention événementiel, c’est là que j’ai découvert diverses techniques, en particulier la linogravure qui m’intéressait depuis longtemps. Pendant le confinement j’ai pu me consacrer de manière plus soutenue à ma pratique.




Quelles sont tes pratiques artistiques ?


J’ai plusieurs styles d’écriture. J’aime beaucoup la linogravure avec laquelle je travaille sur des sujets qui me tiennent à cœur. C’est une technique qui mélange graphisme et sculpture, j'adore la liberté qu'elle donne. Cela permet aussi de dupliquer et donc de diffuser au plus grand nombre, je tiens à garder des prix abordables dans ce but.

J’aime beaucoup détourner des objets, par exemple avec ma série Les Distorsions dans laquelle je peins des planches de skate. C'est quelque chose de très intime pour moi. Quand je dessine ce genre de motifs c'est du semi-automatisme, je canalise beaucoup de choses dedans.

Je réalise aussi des stickers, des illustrations… J’aime diversifier ma pratique.


"J’avais peur de n’être plus considéré que comme « le mec trans qui fait des lino »"


Du 10 juin au 29 août 2021 tu as pu participer à l’exposition Dur·e·s à Queer 2.0 aux Abattoirs de Toulouse, comment s’est déroulée ton expérience ?


Pour cette exposition j’ai répondu à un appel à projet que j’ai vu passer sur Instagram. J’y ai exposé des linogravures ayant pour thème la transidentité et plus largement la queerness. C'est avant tout une volonté de crier nos existences qui m'a poussé à exposer ces œuvres.


Affiche de l'exposition Dur.e.s à Queer

À l’occasion de cette expo, tu as notamment montré des œuvres de la série Intimité Trans. Ces linogravures montrent des moments intimes de la vie de personnes transgenres. Peux-tu m'en dire plus sur les origines et les enjeux de ces œuvres ?


Ça vient avant tout d’un besoin de représentation, de montrer des choses qui sont invisibilisées. C’est aussi une démarche très personnelle dans laquelle je m’out. Je me suis longtemps demandé si je voulais inclure ça dans ma pratique, j’avais peur de n’être plus considéré que comme « le mec trans qui fait des lino ». Finalement je me suis rendu compte que c’était quelque chose que j’avais besoin de faire. J'ai tenté de rendre visible des moments de vie intime de personnes transgenres, inclure ces vécus dans l'ordinaire.


Cartel
Gabriel Daydé, Le Rituel, 2021, linogravure.

J’ai commencé par l’œuvre Le Rituel pour laquelle je me suis inspiré d’une image trouvée dans un magazine érotique des années 80. On y voyait une meuf sur un gars en train de le raser. Ça m’a fait penser à quelque chose de super queer et j’ai eu envie de la détourner et de me l’approprier. Je m’inspire souvent de photographies pour mes œuvres.


Est-ce qu’il y a des artistes qui t’inspirent particulièrement ?


Je dirais Jean-Michel Basquiat pour la revendication d’un art qui lui est propre. Sinon je suis très inspiré par des musiciens comme Dorian Electra ( DORIAN ELECTRA sur Youtube ) ou Sophie ( SOPHIE sur Youtube ) dont j’apprécie particulièrement l’esthétique.

Je travaille beaucoup avec une amie céramiste sexymud (@sexymud sur Instagram) avec laquelle on s’encourage beaucoup mutuellement.

Peux-tu me parler de tes projets futurs ?


Du 15 au 27 novembre 2021 j’expose avec l’association CONTRAST à l’espace Diversité et Liberté à Toulouse pour la semaine T.Q.I, Trans, Queer, Inter. Pour cette occasion je compte créer une œuvre : un collage géant avec une liste de personnes trans assassinées en 2019. J’en ai linogravées certaines avec des slogans : « protect trans kids », « la transphobie n’est pas une opinion», « la transphobie tue ». Par dessus j’ai peint à l’acrylique et j’ai utilisé des pastels gras pour ajouter des témoignages, et j’ai écrit un texte que voici :

« Ils débattent de nos existences, ont le droit de vie ou de mort sur nous.

Ils nous mettent à part de l’humanité parlent de nous pour se demander s’ils seraient capables de nous baiser.

Pendant ce temps on compte nos mort.e.s. [...]

Je suis trans, je suis en vie, et c’est si peu pour les autres, mais nous et tous les rejeté.es de ce système, on sait que c’est beaucoup.

Nos vies sont des crash tests chaotiques, merveilleux et terribles, on vit pour celleux avant nous et après nous. »

Cartel
Gabriel Daydé, 200 617 heures, 2021, collage, acrylique, pastels.

À la fin de la semaine, j’aimerais aboutir à une performance durant laquelle une amie et moi viendrions cagoulé.es afin de détruire l’œuvre. On va par la suite la placer dans un sac mortuaire, la brûler et en récolter les cendres qui seront placées dans une urne.

L’œuvre s’appelle 200 617 heures c’est le temps qui sépare ma naissance de la destruction de l’œuvre J’aimerais transmettre le message que nous sommes maître.esses de nos vécus : nous ne sommes pas que des victimes. Il y a aussi une volonté d’exorciser toute cette transphobie par la destruction.

Je travaille aussi sur une œuvre appelée Sin Church, une église à monter soi-même. J’ai gravé un patron linogravé que j’ai ensuite reproduit. Ça reprend l’esthétique du mode d’emploi Ikea. Autour de l’église il y a des flammes, on a des images érotiques sur les vitraux…


Site de Gabriel Daydé : Gabriel Daydé

Son Instagram : @gabztothefuture

1 Comment


Léo Ferreiro
Léo Ferreiro
Nov 27, 2021

MERCI. Parler des identités queers, c'est comment se faire facticement bien voir, s'inscrire "dans son temps", sans produire de contenu. Cette interview n'est rien de cela, c'est un véritable espace de parole donné à un artiste talentueux et poly-technicien, engagé, énervé et qui porte son être, ses convictions et ses violences dans son art. Merci Gabriel Daydé pour ce partage de parole, de vie. Merci Louna Four pour la signature de cet article poignant, au cour des vraies problématiques actuelles. Gueulez, écrivez, linographiez, cassez tout.


Bonne continuation et à très vite.

LF

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