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ELLE PÉREZ ET DANIEL OBASI AUX RENCONTRES D’ARLES 2021

  • Coline Herero, Camille Savre, Guillaume Del Rio
  • 25 nov. 2021
  • 6 min de lecture


Arles est depuis trois décennies un vivier culturel marquant dans le paysage des savoirs français. Arles aime les images, un amour indéfectible pour l’art qui depuis le peintre de la série des Tournesols, Van Gogh, reste encore de manière tangible un terrain des passions artistiques. La ville se dote en 1970, d’un festival pour et par les photographes, alors impulsé par l’homme d’ici, Lucien Clergue, lui-même photographe. La photographie est depuis la première moitié du XXe siècle, une évolution technologique, technique et esthétique sans précédent dans l’histoire humaine [1]. La ville se transforme depuis 1970, entre les mois de juillet et août, en une pépinière de jeunes photographes. Forts de leurs impulsions créatives, ces talents participent à construire une place au médium, qui doit libérer toute sa force expressive.Le slogan est clair : « établir sa reconnaissance comme moyen d’expression à part entière [2]». Révélateur de talents, le festival permet alors de lever le voile sur les sujets et maux qui animent la société contemporaine. Arles invite toutes les cultures à rejoindre cette fête des images, à l’instar des éditions de 1988 et 1991, qui consacrent des thématiques à la Chine et au pays d’Amériques latines. Les thématiques abordées sont toujours comprises et intégrées comme une fenêtre sur le monde, un regard qui désormais embrasse l’avenir par des projections de films, colloques, débats et autres discussions qui complètent un programme culturel fort. Cette année, le festival s’accompagne de la tant attendue ouverture de la fondation LUMA, projet fou conçu par l’architecte Franck Gehry. Entre critique et polémique, surprise et désenchantement, la tour qui désormais signe le panorama arlésien ne manque pas d’étonner spectateurs et visiteurs. Les expositions présentées permettent néanmoins de révéler de jeunes talents. La programmation des rencontres vient, quant à elle, donner la véritable tendance contemporaine de la cité camarguaise : questionnement autour du genre, photographie contemporaine sur le continent Africain… Arles 2021, ou quand la photographie vous saisit ?

Cartel

L’émergence en France et en Europe d’un artiste reconnu aux Etats-Unis : Elle Pérez

Cartel : Elle Pérez
Elle Pérez

Elle Pérez [3], né dans le Bronx en 1989, est un photographe vivant et travaillant à New York où il enseigne à Harvard et à la Rhode Island of Design. Présent aux Rencontres de la Photographie à Arles en 2021, ses œuvres ont été visibles au sein de l’exposition « Masculinités : la libération par la photographie ». Aux côtés d’artistes internationalement reconnus, Elle Pérez a pris place dans cette exposition qui avait pour but d’aborder le pouvoir, le patriarcat, l’identité queer, les politiques raciales, la perception des hommes par les femmes et bien d’autres sujets encore.


Cartel : Masculinités - La libération par la photographie à la Mécanique générale - Rencontres d’Arles 2021

Masculinités - La libération par la photographie à la Mécanique générale - Rencontres d’Arles 2021, [4].


Au début de sa carrière, Elle Pérez a photographié des lutteurs en plein combat, mais a également réalisé des portraits que l’on peut qualifier de plus classique et de la photographie documentaire traditionnelle traitant toujours de problématiques actuelles. Engagé politiquement, Elle Pérez collabore notamment avec des membres de la communauté LGBTQI+. Bien qu’âgé de seulement 32 ans, l’artiste est très prolifique depuis ses débuts, il a déjà produit 30 000 photographies. Cet investissement dans sa carrière a accéléré sa reconnaissance américaine et se développe désormais en France et plus largement en Europe.


« The ties between my gender identity, kink, sexuality, pleasure, and pain are all interwoven. Instead of attempting to untangle them, I work within these complexities [5]. » - Elle Pérez
Cartel : Elle Pérez, Diablo, 2018
Elle Pérez, Diablo, 2018, 73 x 96 x 3 cm, Techniques mixtes, Institut of Contemporary Art, Miami.

Réalisant de nombreux portraits, l’artiste traite très régulièrement de l’identité de genre. Pérez semble être attiré par les mouvements du corps ainsi que ses différentes expressions. Il a, en outre, réalisé un collage pour l’exposition MoMA PS1, sa première exposition personnelle. À cette occasion, l’artiste a regroupé neuf photographies elles-mêmes présentées en tant qu’œuvres indépendantes. Autour de ce collage ont été disposés des écrits rassemblant des pensées de l’artiste et d’individus extérieurs. Il a alors expliqué que chacune des œuvres exposées ne méritaient pas d’être vues seules, il s’agissait ici de créer un ensemble cohérent laissant une place plus importante aux photographies qu’à l’écrit. L'œuvre ne peut être comprise et lisible qu’avec tous ses éléments et n’ont pas avec des morceaux de textes, d’images.


« Text is different to exhibit. People tend to get caught up in the text in the end. I wanted them to see it after they’d seen the images, so it gave context to the images, and not a preparation for them. I didn’t want the text to be an exclamation mark either [6]. »


Ainsi, ce collage dévoile des moments intimes de personnes pouvant se questionner sur leur identité de genre. Elle Pérez révèle une certaine violence dans certaines photographies tout en laissant une place importante à la poésie et à la sensualité. Enfin, l’exposition « Masculinités : la libération par la photographie » a reçu un accueil chaleureux par la public et a été l’une des expositions les plus marquantes des Rencontres 2021. Elle a mis en évidence des problématiques actuelles qui ne cessent d’attirer la population et Elle Pérez, de par les sujets qu’il traite et la qualité de ses photographies, devrait continuer d'émerger en France et en Europe après cette visibilité donnée grâce à Arles. Outre « Masculinités : la libération par la photographie », l’exposition « The New Black Vanguard » traite de problématiques toutes aussi intéressantes, il s’agira donc de se tourner vers Daniel Obasi, une grande figure émergente de la photographie contemporaine…


Le stylisme et la photographie chez Daniel Obasi

Cartel : Daniel Obasi
Daniel Obasi

Cartel

Enfin, l’exposition The New Black Vanguard réunit la nouvelle avant garde noire portée par de jeunes photographes de toutes horizons, qui travaillent sur la représentation du corps noir à travers le médium, plus particulièrement à la relation qu’entretient ce dernier avec l’art, la mode et l’espace. Cette exposition à pour but de mettre à l’honneur une nouvelle génération d’artistes dont la problématique principale est de donner une visibilité nouvelle aux corps noirs dans l’histoire du médium photographique et de démonter les normes établies de représentation et de beauté. Basé à Lagos au Nigéria, Daniel Obasi est à la fois photographe, styliste et directeur artistique et à l’âge de seulement 23 ans, il est une des figures de proue d’un mouvement qui met à l’honneur les thématiques afrocentriques. Inspiré par le courant de l’afrofuturisme, le travail d’Obasi explore notamment les questions de genre, de beauté, de sexualité et d’identité à travers la représentation de récits africains. La mode étant un des domaines de prédilection de l’artiste, celui-ci à réalisé de nombreuses photographies pour des magazines tels que ID Magazine, CNN Africa où encore Marie Claire. Obasi a également travaillé à l’élaboration des visuels pour l’album Black is King de Beyoncé.


Cartel "Water" Beyoncé
"Water", visuel de l’album Black is King de Beyoncé

La mode est pour le photographe également un moyen d’explorer les concepts de masculinité de d'androgynie qui lui sont chers. Obasi réalise également des films expérimentaux, en 2018 il tourne An alien in town en collaboration avec Vlisco. A travers ce court métrage, l’artiste met à l’honneur la créativité et la mode africaine avec en toile de fond un Lagos afro futuriste, qui déconstruit la vision étrangère sur l’Afrique contemporaine.

“No one will tell our stories better than we can, neither will anyone change the stereotypes of African imagery unless we decide to tell the world what Africa is for us. “ Daniel Obasi

Cartel Daniel Obasi
« Instants de jeunesse », Lagos, Nigeria, 2019 © Daniel Obasi

Daniel Obasi et Elle Pérez sont ainsi représentatifs des artistes sélectionnés pour participer aux Rencontres d’Arles et s’inscrivent pleinement dans les problématiques abordées dans les expositions. A ce sujet, il y a eu pas moins de 35 expositions présentées durant cette 52 ème édition avec près d’un million de visites au total. Il ne faut d'ailleurs pas oublier les 200 artistes exposés et les 61 commissaires invités. C’est désormais, à partir du 26 novembre 2021 et jusqu’au 3 janvier 2022, qu’il est possible de découvrir 25 expositions avec les Rencontres d’Arles Hors les Murs présentes à Xiamen en Chine pour la septième édition. Les Rencontres d’Arles s’étendent alors à d’autres villes et plus globalement à d’autres continents, touchant ainsi un public encore plus large. Les Rencontres d’Arles 2022 se tiendront quant à elles durant l’été comme à son habitude, les dates seront dévoilées dans les mois à venir…



1. voir site officielle de Arles les rencontres photographiques, consultable à l’adresse suivante : https://www.rencontresarles.com/fr/arles-capitale-de-la-photographie/

2. « Arles (rencontres internationales de la photographie d’) » in Dictionnaire de la photo, Paris, 1996, Larousse « in extenso », p.41.

3. https://cooper.edu/events-and-exhibitions/events/elle-perez-wolf-chair-photography-artist-talk

4. https://www.enrevenantdelexpo.com/2021/07/07/masculinites-la-liberation-par-la-photographie-arencontres-dar les-2021/

5. « Elle Pérez’s photos explore the inherent intimacy and power-plays in relationships » , Creative Boom, consulté le 28 septembre 2021, https://www.creativeboom.com/inspiration/elle-prez-photo-essay-about-intimacy-and-connection/

6. « Elle Pérez », Objektiv, consulté le 28 septembre 2021, http://www.objektiv.no/realises/2020/4/20/elle-prez


 
 
 

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